L’indemnisation des victimes des violences politiques au Togo (1958 à 2005 ; et 2005) a débuté depuis décembre 2017. Cette année 2021 finissante, on en est à la quatrième étape. Combien de personnes ont-elles été indemnisées au titre de cette nième série ? Pour quel montant en tout ? Combien de victimes recensées reste-t-il à indemniser ? Le voile a été levé sur tous ces aspects, au cours d’une conférence-bilan annuelle organisée par le Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale (HCRRUN), ce jeudi 30 décembre 2021 à l’hôtel Concorde sis à Adidoadin à Lomé.
« Nous nous sommes fixé des objectifs et nous avons dépassé nos espérances. Donc c’est un bilan très positif du point de vue de rendement des activités. Plus de 7000 victimes ont été couvertes, plus de 98 % de satisfaction au plan médico-psychologique, plus de 107 % de dépassement dans l’exécution des fonds qui nous ont été alloués, dégageant encore un solde créditeur, nous ne pouvons que rendre grâce à Dieu et demander à vous autres, médias, d’être nos porte-parole auprès de l’autorité mandante, des victimes », s’est réjouie la Présidente du HCRRUN, Mme Awa Nana-Daboya, dans une sorte d’autosatisfaction manifeste. Et de promettre réitérer cet exercice, c’est-à-dire présenter annuellement un rapport-bilan qui montre la traçabilité de l’utilisation des fonds…
Cette rencontre a permis, à travers une présentation assurée par M. Akue Guedou Adoté Tony, gestionnaire de la base de données de la CVJR (Commission Vérité, Justice et Réconciliation) et de la Commission Koffigoh, de savoir que ce sont en tout sept mille dix (7010) victimes qui ont été indemnisées au cours de cette quatrième étape (2020-2021) à hauteur de cinq milliards huit cent soixante-quatre millions huit cent cinquante-six mille quatre cent quatre-vingt-dix-neuf (5 864 856 499) FCFA, d’après le Président de la Commission de gestion du fonds spécial d’indemnisation (CGFSI) Kudzo Eva Ametonou, et/ou suivies sur le plan médico-psychologique. Parmi elles, des éléments des forces de défense et de sécurité tués (ayants-droit), blessés ou ayant perdu leurs biens au cours des violences politiques, notamment celles de 2005, un dossier personnellement impulsé par le chef de l’Etat, a fait observer Mme Awa Nana-Daboya, au nom du caractère inclusif du programme de réparation ; mais également des personnes victimes recensées par la Commission Koffigoh mais qui ne l’avaient pas été à l’époque par la CVJR de Mgr Nicodème Barrigah-Benissan.
Par ailleurs, deux (02) autres dossiers, bien que ne relevant pas du cadre strict des violences politiques ayant entrainé mort d’homme, blessure et autres préjudices, ont été pris en compte. Il s’agit des enseignants grévistes licenciés de 2000 et des ex-agents de l’Office des produits agricoles du Togo (OPAT). « (…) Les souffrances des compatriotes concernés sont similaires à celles d’autres victimes de violences économiques en ce sens que des familles entières ont été affectées par les effets pervers des préjudices subis ; il est de bon aloi de soulager ces souffrances », a indiqué la Présidente du HCRRUN. Ici aussi, ces cas n’ayant pas été pris en compte et budgétisés, il a fallu recourir à l’arbitraire de l’autorité mandante (Faure Gnassingbé) pour que des indemnisations soient octroyées à ces victimes au prorata des préjudices subis.
Outre les réparations individuelles ayant consisté à verser des fonds aux victimes, le HCRRUN a aussi procédé à des réparations communautaires à travers la dotation d’ouvrages conciliateurs et pacificateurs. C’était notamment le cas, le 16 décembre 2021, avec la remise d’une fontaine publique baptisée « Fontaine de la Réconciliation » aux populations de Barkoissi, à leur propre demande, dit-on. Ce geste vise à panser les plaies des affrontements ethniques entre Tchokossi et Moba en octobre 1991, accompagner les populations dans leurs efforts de reconstruction de l’harmonie sociale. Des projets similaires d’utilité publique seraient en cours de réalisation dans d’autres localités comme Niki-Niki dans la préfecture de Blitta et Piwèdéwou dans le Sotouboua
Pour avoir ce bilan, le HCRRUN aura procédé par une panoplie d’approches : rapprochement des opérations d’indemnisation des victimes par une augmentation substantielle du nombre de centres d’opérations, formation des huissiers de justice pour un meilleur accompagnement, implication accrue des membres des comités locaux de paix (CLP), multiplication des sessions d’indemnisation au siège pour les victimes de Lomé et ses environs. C’est « la combinaison méthodique de toutes ces approches » qui aura « permis d’obtenir les résultats très satisfaisants » pour cette seule année 2021, s’enorgueillit-on au HCRRUN.
Si Mme Awa Nana-Daboya et sa structure sont satisfaits de ce bilan, elles le sont moins sur un autre aspect, celui des hommages aux grandes figures de l’Histoire du Togo, avouant même que « les résultats sont en deçà des projections. « Cela se justifie par plusieurs pesanteurs parmi lesquelles figurent les difficultés relatives à l’accès aux archives et la timidité des familles concernées », a concédé Mme Awa Nana-Daboya, et d’« exhorter les bonnes volontés disposant de reliques, d’objets, d’images ou de documents liés à la vie de nos anciens dirigeants (à l’instar de l’Ambassade des USA pour les hommages au Président Sylvanus Olympio) et aux événements ayant marqué notre marche politique commune à les communiquer au HCRRUN afin de l’aider à avancer sur ce volet de sa mission ».
Des quatre (04) étapes déployées depuis décembre 2017 au titre des réparations, ce sont en tout vingt mille deux cent soixante-dix-huit (20 278) victimes qui ont été indemnisées. Il reste, selon les calculs, quinze mille quatre cent soixante-dix (15 470) personnes à prendre en compte.