Les envies de 3e mandat de Macky Sall mettent en péril le modèle démocratique que représentait jusqu’à une époque récente le Sénégal. Dans un rapport accablant intitulé « Sénégal : un modèle démocratique africain en déclin », le think-tank Afrikajom Center peint un tableau noir sur toute la ligne. Démocratie, état de droit, droits humains et libertés fondamentales, indépendance de la justice pénale, chasse aux opposants, restriction de la liberté de presse, arrestations politiques, dialogues politiques improductifs, criminalisation des opinions dissidentes et de l’opposition politique, étouffement de la liberté de presse, l’organisation de la société civile dirigée par Alioune Tine n’a rien occulté.
Tout en remontant dans le temps et évoquant les belles pages de la démocratie sénégalaise, le rapport rappelle légitimement les évènements du 23 juin 2011 ayant constitué un tournant dans l’histoire démocratique du Sénégal, la révolution citoyenne ayant porté au pouvoir Macky Sall avec son élection à la présidence de la République en 2012, la détérioration de la situation politique, les manœuvres politiciennes pour écarter des adversaires politiques, la tentative de modification du mandat présidentiel à 7 ans, le referendum du 20 mars 2016… Un déclin du modèle démocratique sénégalais induit par les envies de 3e mandat de M. Sall, qualifiées de « véritable bombe à retardement pour la démocratie, la paix et pour la sécurité ». Morceaux choisis.
«Comme résultats des promesses mirobolantes déclinées à l’inauguration du premier mandat en matière de respect de l’État de droit, de la démocratie et des droits humains, on a eu droit au désenchantement, à la déception et aux ressentiments. Toutes choses qui expliquent les tensions et les violences politiques récurrentes à l’approche de chaque consultation électorale, le rétrécissement de l’espace civique et la faiblesse des institutions de promotion et de protection des droits humains et d’une justice équitable ».
« Le régime actuel a réalisé un coup de force en amont de l’élection de 2019 en écartant deux candidats potentiels perçus comme les plus redoutables : Karim WADE, fils et ministre tout-puissant sous la présidence d’Abdoulaye WADE, puis Khalifa SALL, maire de Dakar et pressenti pour être le chef de file de l’opposition. Et maintenant, il y a l’affaire Ousmane SONKO, opposant numéro 1 du régime. Au mois de février 2021, il est accusé de viols et menaces de mort par une femme employée d’un salon de massage. Convoqué le 3 mars au tribunal de Dakar pour être entendu, Ousmane SONKO est finalement arrêté pour troubles à l’ordre public car, en se rendant au palais de justice, il était accompagné d’une armée de partisans. Ce fut un complot fomenté par le pouvoir pour abattre un adversaire politique, selon Ousmane SONKO. L’arrestation a alors mis le feu aux poudres et ravivé le courroux d’une partie de la jeunesse sénégalaise qui voit en Ousmane SONKO un défenseur de la démocratie et le seul opposant capable de défier Macky SALL, accusé de faire appel aux vieux démons du continent africain : la dictature ».
« La justice est structurellement assujettie au pouvoir Exécutif pour les raisons suivantes : l’absolu contrôle par l’Exécutif du Conseil Supérieur de la magistrature qui est l’organe chargé de la gestion des carrières des juges (nomination, promotion ».
Pour Afrikajom Center, les droits de l’homme et des libertés fondamentales sont de plus en plus menacés, des militants de l’opposition arrêtés pour tout et rien, torturés parfois, évoquant les nombreuses tueries politiques, violations de la Constitution et autres, la liberté de presse qui est un indicateur de la bonne santé de la démocratie et de l’Etat de droit mise à rude épreuve avec plusieurs journalistes menacés, arrêtés, détenus et emprisonnés…« Si on peut se réjouir du bilan positif du régime du Président Macky SALL qui a contribué à moderniser le pays en matière d’infrastructures de toutes natures et en matière de sécurité, force est de reconnaître que peu de choses concerne la consolidation de la démocratie, l’Etat de droit et des droits humains », souligne le rapport.
Comme il le fait habituellement, Afrikajom Center a pris soin d’assortir son rapport de recommandations dont la libération sans condition de tous les détenus politiques et de tous les détenus d’opinion pour décrisper une situation politique trop tendue, la régularisation de l’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle. Au président de la République, l’organisation de la société civile demande de respecter les dispositions de l’article 27, de même que sa parole en déclarant publiquement dans les meilleurs délais qu’il ne sera pas candidat à un 3e mandat pour mettre un terme au climat politique lourd, délétère et tendu.
A l’opposition sénégalaise et particulièrement à Ousmane SONKO, Afrikajom Center recommande de mettre un terme à toute tentative d’insurrection qui contribuerait à aggraver la vulnérabilité du pays, notamment dans un contexte où le Sénégal est entouré de pays voisins en conflits. A toute la classe politique, l’organisation demande d’aller vers un dialogue politique sincère, inclusif pour contribuer au renforcement des institutions et mécanismes démocratiques, construire ensemble une représentation partagée de l’Etat de droit, de la démocratie, des droits humains, pour aller en 2024 vers une présidentielle transparente, démocratique et apaisée.
Cessation des arrestations arbitraires d’opposants politiques, militants des droits de l’homme, activistes, journalistes, membres de la société civile, respect des engagements régionaux et internationaux en matière de protection des libertés individuelles et collectives et en matière de respect de l’Etat de droit et de la gouvernance publique, respect de la liberté d’expression, d’opinion, de réunion, de mouvement et de manifestation, dépénalisation des délits de presse, formule, entre autres recommandations, Afrikajom Center.
