« C’est une décentralisation à la togolaise qu’on veut faire ici, il faut le dire. Il ne faut pas attendre que nous exercions nos prérogatives pour tenter de nous en empêcher ». Jean-Pierre Fabre est convaincu que le pouvoir ne veut pas d’une décentralisation de bonne foi, comme sous d’autres cieux. En marge de l’opération de mise en terre de plants, mercredi 1er juin dernier, sur le « Boulevard Sylvanus Olympio », le maire du Golfe 4 a exprimé son état d’âme et dit tout le mal qu’il pense des manœuvres subies par le conseil municipal et sa personne, depuis la décision prise par délibération (du conseil municipal) de débaptiser et renommer treize (13) rues du ressort territorial de la commune. Processus qui voit le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires Payadowa Boukpessi et le Préfet du Golfe Kossi Dzinyefa Atabuh s’y opposer, par le biais de courriers et/ou notes.
Au conseil des ministres du lundi 30 mai dernier, il a été adopté un avant-projet de loi portant modification de la loi n° 2007-011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales modifiée par la loi n° 2018-003 du 31 janvier 2018, la loi n° 2019-006 du 26 juin 2019 et la loi n° 2021-020 du 11 octobre 2021. Il est présenté comme le fruit de leçons tirées des trois (03) ans de mise en œuvre des différents textes relatifs à la décentralisation et aux libertés locales et serait destiné à « apporter des clarifications sur les dispositions relatives au rôle de coordination dévolu aux conseils régionaux ; à l’interprétation de certaines compétences par les collectivités territoriales ; à la destitution du maire et de ses adjoints ».
Dans le même sillage, la rencontre gouvernementale a examiné et adopté un avant-projet de loi modifiant la loi n° 2019-018 portant attributions et fonctionnement du District autonome du Grand Lomé. Objectif, a indiqué le communiqué final, «clarifier et détailler les attributions des différentes collectivités territoriales qui cohabitent sur le territoire du District autonome afin de faciliter l’opérationnalisation intégrale du District autonome » et « régler la question de la coordination d’activités exécutées dans le cadre de compétences exercées par les treize (13) communes en vue de s’assurer de la même qualité de tâches, en particulier, celle relative à la salubrité dans l’ensemble de la capitale ».
Les observateurs avisés ont vite fait de lier, à tort ou à raison, l’adoption en perspective de ces textes à l’initiative de la mairie du Golfe 4 et à la volonté du régime de l’empêcher de procéder au changement de l’adressage des rues. Le maire lui-même en convaincu de manœuvres dans ce sens. « Dans tous les pays du monde, l’adressage est confié à la commune (…) Regardez un peu comment ça se passe dans les autres pays. Vous-mêmes vous avez applaudi lorsque le maire de Ziguinchor Ousmane Sonko a procédé à la modification des dénominations des voies. D’où vient qu’ici, ça ne soit pas une prérogative dévolue à la commune ? C’est une invention, une décentralisation à la togolaise qu’on veut faire ici, il faut le dire. Il ne faut pas attendre que nous exercions nos prérogatives pour tenter de nous en empêcher», a-t-il pesté lorsque la question lui a été posée.
Jean-Pierre Fabre est même indisposé par l’indifférence de tous les autres maires. « Si on était dans un Etat démocratique, de droit, la fameuse note par laquelle le ministre de l’Administration territoriale tente d’annuler une délibération d’un conseil municipal alors qu’il n’en a pas compétence, aurait suscité une levée de boucliers des 116 (autres) maires », a-t-il regretté, et de dire, sentencieux : « Si on veut faire la décentralisation, on la fait. Mais si on veut s’amuser à nous rendre complice d’une décentralisation frelatée, moi je n’y participe pas ».