Par Maryse QUASHIE et Roger E. FOLIKOUE
28 mai 1975, naissance de la CEDEAO…
Beaucoup de ressortissants Ouest Africains se réjouirent :
Enfin une institution ouest-africaine refusant un des héritages de la colonisation, le clivage entre francophones et anglophones !
Enfin on allait pouvoir créer un espace ouest-africain pour une libre circulation des personnes: les Ouest-africains qui sont parmi les peuples qui bougent le plus en Afrique allaient bénéficier d’un passeport qui leur permettrait de se déplacer d’un bout à l’autre d’une vaste zone allant de Dakar à Maiduguri !
Enfin on allait pouvoir créer un espace pour la libre circulation des biens: un espace qui allait permettre aux économies de la sous-région de se déployer, en favorisant les échanges interafricains !
Enfin les systèmes sociaux des pays ouest-africains allaient profiter de cela : on pourrait mettre en place des institutions, un système de gouvernance que les nations ouest-africaines allaient penser par elles-mêmes à partir des expériences des uns et des autres !
Enfin on allait avoir une institution qui prenne en compte le bonheur des peuples ouest-africains, particulièrement au moment des conflits, des difficultés nationales ou régionales !
28 mai 2025, on fête les 50 ans de la CEDEAO !
Qu’est-ce qu’on fête ? Un espace où la différence entre francophones et anglophones reste extrêmement sensible parce que les francophones préfèrent, au nom des intérêts d’une minorité, rester dans le giron de la France, qui ne se gêne d’ailleurs pas pour intervenir dans les affaires des pays francophones au nom de vieilles relations « d’amitié » que d’autres appellent Françafrique ?
Un espace où les personnes ne peuvent guère voyager sans tracasseries aux frontières, sans multiples arrêts par les forces de l’ordre de différents pays ?
Un espace où les citoyens sont obligés d’aménager des passages clandestins sur des frontières qui les empêchent de survivre au quotidien ?
Un espace où le fameux passeport CEDEAO n’existe pas véritablement ?
Un espace où circulent par contre les armées de la France et des Etats-Unis, au nom d’une prétendue lutte contre les terroristes islamistes ?
Un espace dont les ressortissants constituent les principales victimes de la lutte souterraine que mènent les différentes parties pour mettre la main sur les richesses du sous-sol en particulier ?
Un espace où les échanges entre les pays se sont très peu développés alors qu’à cause de l’extraversion de ces pays, le commerce est ouvert aux Européens, aux Chinois, etc. au détriment des produits locaux ?
Un espace qui ne peut pas se doter d’une monnaie qui faciliterait les échanges commerciaux, parce que les francophones exigent l’arrimage de cette monnaie à l’euro ?
Un espace où la mobilité pour l’emploi mais aussi pour la formation est un vain mot ?
Un espace où on n’arrive pas à mettre en place des institutions respectant l’Etat de droit et la démocratie malgré un protocole additionnel ?
Un espace où les élections ne sont jamais justes et crédibles dans les pays francophones et acceptables dans les pays anglophones ?
Un espace où les échanges entre systèmes scolaires et universitaires restent limités parce que les universitaires francophones tiennent à reproduire le système français de formation ?
Un espace où on ne se donne pas la peine de remettre en question la politique linguistique scolaire en tenant compte et des peuples et de leurs besoins ?
Un espace où la collaboration entre les systèmes de santé et de sécurité sociale ne prenne pas toute l’envergure nécessaire pour permettre aux malades de profiter de centres d’excellence régionaux ?
Un espace où les arbitrages se font uniquement au nom des intérêts d’un club de chefs d’Etat plutôt que pour le bonheur des peuples ?
Le 28 mai 2025, allons-nous fêter, la CEDEAO des Chefs d’Etat (tripatouilleurs de Constitution, truqueurs d’élections, affamant leurs peuples et tuant leurs compatriotes pour rester au pouvoir) ou la CEDEAO des peuples ?
Nous, citoyens de la CEDEAO, avons quatre années au moins pour choisir si nous voulons faire advenir le rêve de 1975 ou nous contenter du cauchemar que nous vivons en ce moment.
Si nous voulons faire advenir le rêve de 1975, alors il faut que nous ne nous contentions pas de nous lamenter, il faut même que nous détournions un instant nos regards de la CEDEAO. En effet, celle-ci se permet de poser des actes inacceptables parce qu’elle n’a personne en face d’elle.
Entendons-nous bien. A chaque fois, elle se heurte à la société civile d’un seul pays, mais comme souvent, le chef d’Etat de ce pays est partie prenante dans le différend, ladite société civile se trouve vite isolée.
Il faut donc trouver une autre stratégie : présenter au club des chefs d’Etat un front uni des sociétés civiles ouest africaines. Et là, il ne s’agit pas d’unité de surface de quelques Organisations de la Société Civile (OSC), mais de l’union du maximum d’OSC, mais aussi de citoyens qui ne font pas obligatoirement partie d’organisations, prêts à se mobiliser pour des actions communes qu’on ne peut guère citer et décrire dans une tribune comme celle-ci.
Cependant il y a des axes d’action dont il est important de parler :
– la question de la monnaie : on ne saurait laisser ce dossier important ni aux mains des technocrates, ni aux soins des seuls politiciens ; elle doit au contraire être largement débattue par les citoyens, premiers concernés par le choix de la monnaie ;
– la formation d’une jeunesse de la CEDEAO. Il est, en effet important que les jeunes prennent conscience de leur appartenance au même espace culturel qui est celui de l’Afrique de l’Ouest. Cela ne peut se faire qu’à travers des expériences fortes : écoles et internats régionaux, voyages d’échanges, colonies de vacances, jumelage d’écoles, année de formation à l’étranger (year abroad), etc. C’est à ce prix que parler d’une identité ouest-africaine prendra tout son sens et que l’espace CEDEAO deviendra une réalité vivante dans l’avenir.
Le 28 mai 2025, nous vous invitons à célébrer la naissance de la CEDEAO des peuples ! Serez-vous au rendez-vous ?
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Lomé, le 28 août 2020