Depuis plusieurs années, la manière dont les peuples peuvent prévenir ou détruire les dictatures a été l’une de mes principales préoccupations. Elle s’est en partie nourrie d’une confiance dans l’idée que les êtres humains ne doivent pas être dominés et détruits par de tels régimes. Cette foi a été renforcée par des lectures sur l’importance de la liberté humaine, sur la nature des dictatures (d’Aristote aux analyses du totalitarisme), et sur l’Histoire des dictatures (spécialement celle des systèmes nazis et staliniens).
Les connaissances relatives aux politiques de terreur des régimes totalitaires de plusieurs pays m’ont touché énormément. La politique de terreur exercée par ces systèmes m’apparaît spécialement poignante, étant donné que ces politiques furent imposées au nom de la libération de l’oppression et de l’exploitation.
Plusieurs fois j’ai eu la chance de vivre des moments d’affrontements entre les populations civiles et les forces de l’ordre sur le territoire togolais depuis 1990 qui se sont soldés par des centaines de morts.
De ces considérations et de ces expériences, monte l’espoir résolu que la prévention de la tyrannie est possible, que des combats victorieux contre des dictatures peuvent être menés sans massacres mutuels massifs, que des dictatures peuvent être détruites et qu’il est même possible d’empêcher que de nouvelles ne renaissent des cendres de celles qui sont tombées.
J’ai tenté de réfléchir soigneusement aux solutions les plus efficaces pour anéantir les dictatures au moindre coût en termes de souffrances et de vies humaines. Pour cela, j’ai, pendant plusieurs années, étudié et tiré les enseignements des dictatures, des mouvements de résistance, des révolutions, de la pensée politique, des systèmes de gouvernement et porté une grande attention aux luttes non-violentes réalistes.
Par nécessité et par choix délibéré, mon opinion est centrée sur la question fondamentale : comment détruire une dictature et empêcher qu’une nouvelle ne vienne la remplacer ? Comme c’est le cas dans certains pays de la sous-région, je ne suis pas compétent pour produire une analyse détaillée et des prescriptions concernant un pays en particulier. Cependant, je souhaite que cette analyse générique puisse être utile à ceux qui, malheureusement en de trop nombreux pays, ont aujourd’hui à faire face aux réalités d’une dictature. Ils pourront vérifier la validité de cette analyse pour les cas particuliers et juger dans quelle mesure ces recommandations s’appliquent à leur combat de libération.
Je ne prétends nulle part dans mon opinion que défier des dictateurs soit une entreprise aisée et sans coûts. Toute forme de lutte a un coût et des complications, et combattre les dictateurs fait, bien sûr, des victimes. Cependant, mon souhait est que cette analyse incite les dirigeants de mouvements de résistance à considérer des stratégies qui augmenteront leur efficacité en réduisant les pertes humaines.
De même, cette analyse ne doit pas être interprétée comme l’affirmation que la fin d’une dictature fait disparaître tous les autres problèmes. La chute d’un régime ne mène pas à l’utopie. En fait, elle ouvre la voie à des travaux difficiles et à des efforts soutenus pour construire une économie, des relations politiques et une société plus juste, et éradiquer les autres formes d’injustice et d’oppression. Mon espoir est que ce bref examen de la manière de désintégrer une dictature puisse être utile partout où des peuples vivent dominés et désirent être libres en particulier mon pays le Togo.
Ces dernières années, différentes dictatures d’origine nationale ou installées par intervention étrangère se sont effondrées face à une population défiante et mobilisée. Souvent considérées comme solidement ancrées et invincibles, certaines de ces dictatures se sont révélées incapables de résister à une défiance sociale, politique et économique concertée par le peuple.
Grâce à des défis populaires principalement non-violents, depuis 1980 des effondrements semblables se sont produits en RDC, en Libye au Niger, au Mali et plus récemment au Burkina.
Bien que ces luttes n’aient pas mis fin aux dictatures en place ou aux occupations, elles ont exposé à la face du monde la nature répressive de ces régimes et ont apporté aux populations une précieuse expérience de cette forme de lutte.
L’effondrement des dictatures dans les pays cités ci-dessus n’y a certainement pas éradiqué tous les autres problèmes : la misère, la criminalité, l’inefficacité bureaucratique et la destruction de l’environnement, qui sont souvent l’héritage des régimes brutaux. Néanmoins, la chute de ces dictatures a réduit au moins la souffrance des victimes de l’oppression et a ouvert le chemin vers la reconstruction de ces sociétés avec plus de démocratie politique, de liberté personnelle et de justice sociale.
Ces dernières décennies il y a certainement une tendance vers plus de démocratie et de liberté dans le monde.
Après avoir consolidé sa position, la nouvelle clique peut se révéler plus impitoyable et plus ambitieuse que la précédente. Ainsi, malgré les espoirs qu’elle apportait, elle sera libre de faire ce qu’elle veut sans se préoccuper de démocratie ou de droits humains. Cela ne peut donc pas être une réponse acceptable au problème de la dictature.
Quant aux élections, il n’en est pas question sous une dictature : elles ne sont pas un instrument efficace de changement politique
et Elles ne furent que des plébiscites rigoureusement contrôlés pour faire entériner par le public des choix de candidats déjà tranchés par les despotes. Des dictateurs sous pression peuvent parfois accepter de nouvelles élections, mais en les truquant pour mettre en place leurs marionnettes civiles au gouvernement (le cas de JOSEPH KABILA). Les réflexions évoquées dans cet examen de la défiance politique et de la lutte non-violente sont censées venir en aide à toutes personnes ou groupes qui cherchent à libérer leur peuple de l’oppression d’une dictature et à établir un système démocratique durable qui respecte les libertés humaines et l’action du peuple pour améliorer la société. A bon entendeur salut.
QUE DIEU PROTEGE LA TERRE DE NOS AIEUX
ADJAFOUI DOSSA