En poste depuis six mois, les maires élus lors des locales de juin 2019 peinent à démarrer leur mission. Absence de définition claire des prérogatives, manque de fonds, absence de siège, les causes sont multiples. Le maire du Golfe, Dr James Amaglo des Forces démocratiques pour le République (FDR) élu sur la liste de la C14, a bien accepté se confier à notre site letabloid.com. A travers cet entretien, il parle des six premiers mois d’exercice, évoque les premières difficultés rencontrées, les problèmes de sa commune, les projets et ambitions nourris pour ses administrés, entre autres. Lisez plutôt.
Vous êtes en poste depuis plusieurs mois. Un petit aperçu de vos premières actions à la tête de la commune?
Oui, c’est vrai, ça fait au moins six mois que nous sommes en poste (…) Qu’est-ce qu’on a fait jusqu’à présent ? C’est l’état des lieux qui a consisté à visiter et à revisiter le territoire de la commune, des problèmes qu’on connaissait au moment de la campagne, mais qu’on est allé encore davantage toucher du doigt parce que nous sommes confirmés par le peuple dans la mission, en prendre conscience davantage, chercher les limites de la commune, les limites selon la loi de découpage. Ce découpage a des insuffisances, des insuffisances qu’on a relevées (…) On a besoin d’un découpage qui rende la commune beaucoup plus fonctionnelle, qui permette d’assumer des responsabilités clairement définies. Et donc on a pris conscience de tout ça pendant cette période, on a échangé avec les collègues des communes voisines, le Golfe 1 et le Golfe 3 qui sont nos limitrophes immédiats. Eux aussi ils ont pris conscience de certaines lacunes dans le découpage et de certaines insuffisances pour la fonctionnalité (…) De manière amiable, nous allons nous entendre sur un certain nombre de choses et progressivement, les porter à la connaissance de l’autorité, notre ministre de tutelle, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, pour que ça se transforme réellement dans la modification.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de votre mission ?
Peut-être que c’est subjectif, il y a une certaine forme de lenteur. Ca fait six mois qu’on est là ; en six mois on devrait nous demander un bilan. Habituellement quand vous rentrez dans une fonction, les cent premiers jours, vous devez faire un bilan. Mais ça fait six mois qu’on est là, on ne peut pas faire un bilan et personne ne nous en demandera parce que jusqu’à présent, notre responsabilité n’est pas claire, ce n’est pas assez net. C’est vrai que dans la démarche administrative au niveau du ministre de l’Administration territoriale avec l’ancienne délégation spéciale qui existait pour le Grand Lomé, on a dit que nos responsabilités commencent à partir du 1er janvier (2020, Ndlr). C’est plus ou moins effectif, mais ce n’est pas encore concret.
Nous n’avons pas encore de budget, c’est maintenant qu’on est en train de tâtonner pour un certain nombre de choses, des choses qu’on devrait faire un peu plus tôt. C’est un peu lent, je ne dirai pas par la faute de quelqu’un. C’est quelque chose de nouveau, on se serait mieux organisé, on aura anticipé un peu sur tout ça. Mais il y a de la bonne volonté au niveau des institutions de contrôle de légalité. Que ce soit au niveau du Préfet du Golfe ou du ministre de l’Administration territoriale, nous sentons un accompagnement. Nous avons été reçus, le Grand Lomé, deux fois déjà par le Chef de l’État pour que lui et nous, on se pousse et qu’on lui fasse comprendre certaines de nos difficultés pour aller vite. Nous avons de l’enthousiasme, on le lui a montré et on a senti également de son côté qu’il sait que cette décentralisation doit pouvoir apporter quelque chose. Pour ça, je dis que c’est un peu lent, mais il y a de l’espoir. On est sur la bonne trajectoire. Que ce soit du côté de l’administration ou de notre côté, il y a la bonne disponibilité pour que ca aille plus vite et que nous puissions montrer ce dont nous sommes capables.
Donnez-nous une idée des besoins de votre commune et des projets phares de votre mandature ?
Le grand problème de notre commune, c’est l’insalubrité. La commune n’est pas dotée d’infrastructures qui permettent la libre circulation. Très bientôt, nous allons faire ce que nous appelons le plan de développement communal en tenant compte de tous ces problèmes qu’on a. Les infrastructures scolaires, il faut les améliorer. (…) La propreté, le civisme, c’est là qu’on apprend tout. Il faut que les enfants apprennent tout là bas et qu’ils soient le relais de leurs parents à la maison (…) Les rues, il faut les dénommer. Si on ne peut pas les bitumer, il faut au moins les profiler, gratter et niveler. Là où il y a les problèmes d’inondation, il faut régler tout ça, il faut assainir. Ca ce sont les gros problèmes.
Le grand projet, c’est le plan de développement de la commune, en parlant de ses infrastructures, du siège de la commune, parce que nous sommes en location. L’ancien deuxième arrondissement, c’est un petit local qui est vraiment insuffisant. Dieu merci, on nous a permis de louer un bâtiment qui va servir provisoirement de siège. Il nous faut construire le siège de la mairie. Que ce soit un bâtiment qui exprime l’état d’esprit des élus locaux et de l’autorité qui a voulu la décentralisation ; que ca soit à la hauteur de ses ambitions dans un cadre agréable avec toutes les infrastructures nécessaires, tout ce qu’il faut pour assumer la responsabilité. Ce sont donc les projets là que nous avons en vue…
Avez-vous les moyens de vos ambitions ?
Oui et non. Comme on le dit, l’argent est le nerf de la guerre. La dernière fois, le Trésorier principal nous a dit : « Ce que vous avez là, c’est du papier, il faut aller chercher les sous (…) ». Mais quand on regarde la commune du Golfe 2, elle est potentiellement riche ; riche en infrastructures. Nous avons l’aéroport, le grand marché de Hédzranawoé, la Foire Togo 2000 et d’autres structures encore sur le territoire. Des entreprises, des activités commerciales, on a tout ça, donc il faut s’organiser.
Nous avons fait une formation avec l’OTR. Donc potentiellement, nous savons que notre commune est riche. Alors il faut rationaliser tout ça et s’organiser pour la collecte et sensibiliser les populations pour le civisme fiscal. Une fois que c’est fait et que nous collectons, que ça serve à matérialiser quelque chose dans la commune pour stimuler les gens à davantage payer. Donc les moyens, nous en avons, parce que la richesse est là. Nous avons l’ambition, l’enthousiasme de faire quelque chose, de faire en sorte que cette volonté de décentraliser le pays qui est la voie royale pour le développement d’un pays, soit un coup d’essai mais un coup de maitre.
L’État a-t-il finalement mis à votre disposition les fonds d’appui à la décentralisation promis ?
On nous a dit que c’est dans le projet de budget de l’État. Quel est le montant réel ? Pour le moment, ce n’est pas assez net. Nous n’avons pas nos montants respectifs, mais on nous a toujours dit, parce que nous l’avons souvent réclamé, que nous l’aurons. Et par rapport à l’attitude, que ce soit au niveau du Chef de l’État, quand nous l’avons rencontré, que ce soient les rencontres que nous avons régulièrement avec le ministre de l’Administration territoriale, je sens une disponibilité à faire en sorte que la décentralisation soit une réussite, par leurs comportements, les propos qu’ils tiennent, la régularité des rencontres ; ca me rassure et je crois que nous serons accompagnés. Mais nous aussi, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’ils soient à nos côtés (…) Les choses sont un peu lentes, mais je dis et réaffirme que je les sens venir à nos cotés.
On vous connaissait plus politique, aujourd’hui vous êtes dans la peau de maire. C’est une belle expérience non ? Quelle différence entre les deux fonctions ?
On n’est pas encore dans le vif du sujet, mais je suis heureux d’être à ce poste (…) Ce qui me réjouit davantage, c’est que notre commune le Golfe 2 a une particularité, elle rassemble pratiquement en équilibre toutes les forces vives de ce pays qui peuvent, quand ils prennent conscience, faire avancer ce pays. Il y a nos amis de la mouvance présidentielle, nous autres de l’opposition, il y a d’autres de la société civile ; donc nous sommes là ensemble dans une forme d’équilibre. On se parle, des fois les débats sont un peu houleux, mais on se comprend et chacun de son côté, on sait que tout le monde a pris conscience que la décentralisation voulue par l’autorité est une opportunité et nous tous nous voulons la saisir. Moi je suis très heureux de coordonner l’équipe là et bientôt, nous irons dans du concret. Je crois que dans les ressources humaines que constituent les élus locaux du Golfe 2, il y a de l’expérience, de la compétence, de l’engagement ? Je crois que si on s’organise avec ce dont la commune elle-même dispose comme richesses, nous pouvons être cités comme exemples et l’Etat peut nous prendre pour une commune pilote où il pourrait venir expérimenter toutes ses ambitions de développement parce que nous avons tous ces atouts ressources humaines, engagement et compétences.
Quels sont les rapports avec vos administrés ?
Les populations pour le moment, elles ne nous sentent pas. Nous faisons des visites, je dirais clandestines, incognito pour apprécier certaines choses. La seule chose que nous avons eu à faire, nous avons rencontré les chefs des huit quartiers qui composent la commune, les CDQ qui sont dans la commune pour échanger sur leurs préoccupations. A la fin de l’année, nous sommes allés leur rendre des visites de sympathie aussi, et toujours pour réaffirmer que nous sommes à leur disposition et avoir leur disponibilité à nous accompagner. Ce ne sont pas des rencontres fignolées, organisées comme ça se doit.
Mais notre ambition première, c’est de faire en sorte qu’il y ait une grande campagne de sensibilisation. On va détecter les associations, les organisations, les ONG qui sont dans le quartier qui œuvrent dans le développement, les associations culturelles, les personnalités ressources de la commune pour faire une grande campagne de sensibilisation surtout sur la salubrité publique. Et une fois cette sensibilisation faite, nous allons passer à l’action, assainir un peu le milieu et après leur rappeler les normes et ensuite les sanctions peuvent commencer parce qu’on a sensibilisé, on a agi, rendu le quartier un peu propre et on ne va plus tolérer que l’insalubrité reprenne par incivisme.
A quand la construction d’une mairie propre à la commune ?
C’est une de nos grandes préoccupations, c’est un grand rêve. Il y a eu des rumeurs que la GIZ avait des fonds pour accompagner le Togo. On a lorgné un peu là, mais jusqu’à présent, nous n’avons pas encore d’information assez précise. Certains disent que c’est pour l’intérieur, d’autres disent que le Golfe est aussi dedans. Mais nous-mêmes aussi, nous voulons ambitionner sur nos propres budgets. Nous voulons aller vers les partenaires extérieurs, on est en train de faire des tentatives ; nous rêvons que l’extérieur peut nous accompagner. Nous-mêmes avec les ressources internes, quand on va commencer à faire les recettes, on va ponctionner là-dessus et d’ici l’année prochaine…Nous avons même déjà identifié un espace, une réserve administrative sur laquelle nous voulons faire notre mairie, avec des voies d’accès bitumées, électrifiées, avec des fleurs…Nous voulons qu’on nous sente parce que comme je le dis, la décentralisation, c’est une opportunité que l’autorité centrale a créée, il faut faire en sorte que l’autorité elle-même soit surprise et davantage nous accompagne.
Un mot à l’endroit de vos administrés ?
A mes compatriotes de la Commune du Golfe 2, ceux qui nous ont portés à la tête de la commune avec comme chef lieu Hedzranawoé, je sais qu’ils sont impatients. Depuis juin, ils ont voté, ils connaissent le nom du maire, mais ils ne voient pas le maire activement. On se prépare, on se prépare pour venir avec beaucoup d’énergie et on veut que les habitants de la commune soient à nos côtés. Nous allons faire une sensibilisation. La décentralisation, c’est le développement par les populations à la base pour elles-mêmes. Donc nous ne serons que des coordonnateurs, il faudrait qu’ils aient de grosses ambitions, qu’ils nous poussent à des résultats et nous serons tous performants. Un peu de patience, nous sommes en train d’arriver avec beaucoup de projets et d’ambitions pour notre commune.