Au terme des travaux du Forum mondial de l’économie sociale et solidaire tenus à Dakar (GSEF 2023) le samedi 6 mai, les participants ont rendu publique une déclaration dans laquelle ils réaffirment l’importance de l’économie sociale et solidaire et la vantent comme le modèle socio-économique le plus adapté à la lutte contre la pauvreté et l’atteinte des objectifs de développement durable de l’ONU (ODD) d’ici 2030 et formulent de nombreuses recommandations. A lire ci-dessous.
DECLARATION DE DAKAR
FORUM MONDIAL DE L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
Après Séoul en 2013, Montréal en 2016, Bilbao 2018, Mexico 2021, la Déclaration de Dakar, en ce jour 6 mai de l’An 2023,
Nous, plus de 6000 personnes présentes au Forum Gsef de Dakar provenant de plus de 260 villes de 70 pays, affirmons que l’ensemble de la population mondiale a droit à des conditions de travail décentes, à un revenu suffisant pour pouvoir vivre dignement et doit pouvoir s’autonomiser dans un monde vivable alors que le modèle économique dominant produit précarisation et destruction de notre planète.
Nous affirmons aussi que l’économie sociale et solidaire est aujourd’hui le modèle socio-économique le plus adapté à l’atteinte des objectifs de développement durable de l’ONU d’ici 2030.
L’accueil du forum Gsef 2023 à Dakar au Sénégal, première fois en terre africaine, est un événement exceptionnel d’internalisation sociale et solidaire sur ce continent.
L’économie sociale et solidaire est en effet présente partout dans le monde et partout elle démontre sa capacité de transformation positive de l’ensemble de nos sociétés et de nos terroirs.
Chaque nouveau forum du Gsef nous rappelle la puissance de l’économie sociale solidaire (qui) réside à la fois dans sa grande unité et dans sa grande diversité.
Cette diversité la rend riche d’innovations et d’expérimentations dans le respect des cultures et des identités locales.
Toujours dans l’objectif d’aboutir à la démocratie et à la justice sociale et environnementale, le Forum Gsef 2023 de Dakar intervient à un moment particulier et ce, à plusieurs niveaux. D’abord car nous sortons progressivement d’un épisode pandémique qui a eu des conséquences humanitaires, sanitaires, économiques et sociales dramatiques. Les organisations d’économie sociale et solidaire avaient alors démontré leur capacité et résilience, comme nous le rappelle la Déclaration de Mexico en 2021.
Ensuite car nous ne sommes pas toutes égales et tous égaux face au modèle économique dominant, il y a des gagnantes et des gagnants, mais il y a surtout des perdantes et des perdants, les jeunes, les femmes, les personnes des économies informelles populaires et de l’économie des plateformes en sont particulièrement victimes. L’économie sociale et solidaire proposant un modèle économique fondé sur la coopération et non la concurrence, sur la primauté des personnes et de la nature avant les profits est un moyen fort d’inverser cette tendance.
Notre monde est rythmé aujourd’hui par l’augmentation des inégalités et de la pauvreté, les guerres, les discriminations et la succession des rapports alarmants du GIEC. Il nous faut, comme l’affirmait déjà le Gsef en 2021, un changement de paradigme donnant la priorité aux personnes et à la planète.
Enfin la déclaration de Montréal 2016, dans l’une de ses résolutions, invitait les pouvoirs publics et notamment les organisations internationales à reconnaitre la place centrale de l’ESS à l’instar des recommandations d’organisations internationales. L’OIT et l’OCDE d’abord, l’ONU enfin le 18 avril dernier, ont su faire avancer la reconnaissance institutionnelle de l’économie sociale et solidaire des organisations continentales et des Etats ont aussi su se doter de législation favorable de stratégies de soutien et de développement de l’ESS ;
L’économie sociale et solidaire se fait une place chaque jour un peu plus grande dans le paysage politique et économique dans tous les pays du monde.
Ces résolutions ne doivent cependant pas être de simples textes ; elles doivent engager des actes concrets. Ainsi étant donné que Dakar 2023 a été la première grande échéance internationale post-résolution de l’ONU, ce forum a permis d’incarner la résolution et de bâtir ensemble une feuille de route qui nous permettra aussi d’impulser le développement de politiques structurantes sur les territoires au service de l’atteinte des objectifs de développement durable fixés par l’ONU.
En mettant la priorité sur les conditions spécifiques des jeunes et des femmes qui subissent une précarité encore plus importante que le reste de la population et dont l’autonomisation est un enjeu prioritaire ainsi que sur l’amélioration des conditions de travail et de vie des travailleuses et des travailleurs de l’économie informelle, ce forum est aussi l’occasion de rappeler les gouvernements locaux et nationaux à leurs responsabilités.
Ce forum a démontré la nécessité de promouvoir la transition des économies informelles vers des économies collectives et durables pour rendre possible l’accès à la protection sociale des travailleuses et travailleurs qui vivent dans l’insécurité économique.
Cela passe aussi par une facilitation de l’accès au marché par le partage de services d’expertise de savoir et de ressources.
Finalement nous affirmons qu’il est urgent de reposer la façon dont sont produites les richesses et d’engager une réelle redistribution, ainsi le forum de Dakar 2023 a été l’occasion de nombreux échanges, de réflexions et de propositions traçant un chemin allant dans le sens d’une bifurcation écologique sociale et économique.
- Nous appelons à faire confiance aux nouvelles générations en leur permettant d’exercer leur pouvoir d’agir ;
- Nous appelons à lutter contre toute forme de discrimination qui viendrait remettre en cause l’autonomie des individus et leur capacité à porter des initiatives socio-économiques à valoriser une économie sociale et solidaire en poursuivant sa co-construction dans les territoires par les populations locales ;
- renforcer l’économie collective comme moyen privilégié d’améliorer la condition des personnes dans des situations précaires et informelles ;
- préserver les ressources naturelles et la biodiversité tout en luttant contre les changements climatiques ;
- promouvoir l’économie circulaire et à institutionnaliser des espaces de co-construction de politiques publiques intersectorielles à chaque niveau gouvernemental.
- permettre la bonne articulation entre échelon local et échelon national afin d’assurer le développement de l’économie sociale et solidaire ;
- créer au sein du Gsef une représentation de la jeunesse afin d’assurer le suivi des propositions issues du forum jeunesse dans l’objectif notamment d’aboutir à la création d’outils de financement à destination des projets des jeunes ;
- faire des thématiques jeunesse et femmes des espaces centraux et transversaux d’une prochaine édition de forums Gsef ;
- initier des campagnes de sensibilisation et de promotion à l’égard des pouvoirs publics, des populations, des acteurs et actrices de l’économie et de la société civile afin de mieux faire connaître l’économie sociale et solidaire et ses principes ;
- mettre en œuvre des outils d’accompagnement des gouvernements locaux et nationaux qui souhaitent s’engager dans un processus de soutien au développement et l’économie sociale et solidaire sur leur territoire ;
- travailler à la systématisation d’indicateurs de l’économie sociale et solidaire et son intégration dans les systèmes nationaux des statistiques et de comptabilité ;
- inciter à la création et au développement des programmes d’enseignement de l’économie sociale et solidaire à chaque niveau d’enseignement et de la formation ;
- renforcer la recherche actions autour des excès et des partenariats ainsi que les milieux de la recherche et l’ESS ;
- mettre en place un écosystème intégré d’accompagnement technique et financière de proximité adapté aux besoins des entreprises collectives, notamment aux projets portés pour des jeunes et pour les femmes ;
- créer des plateformes de capitalisation, de diffusion et de valorisation des initiatives, des expériences et des connaissances afin de renforcer la capacité de celles et ceux qui agissent et de celles et ceux qui décident ;
- et tenir de façon régulière un Sommet de l’économie sociale et solidaire adopté à l’ONU pour faire le point sur les effets de la vraie solution de l’économie sociale et solidaire adoptée à l’ONU et des actions à conduire.