« A compter de cette annonce, toute expulsion forcée massive, toute démolition d’immeuble quelle que soit leur envergure et tout déguerpissement massif de population ordonnée par des ordres de justice sont suspendus jusqu’à nouvel ordre et ce, sur toute l’étendue du territoire ». Le Président de la Cour suprême et du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) Abdoulaye Yaya devrait croire avoir sifflé la fin des opérations d’expulsion dans le cadre des litiges fonciers, avec sa sortie du vendredi 22 octobre dernier sur la TVT. Mais il est royalement défié à Gbamakopé.
En effet hier lundi 25 octobre 2021, soit 72 heures après l’annonce du Président de la Cour suprême, des convois entiers de corps habillés ont encore pris d’assaut le village, comme depuis un bon moment. Certaines sources font état d’au moins six (06) camions qui ont déversé les agents dans la localité pour protéger leurs maçons également convoyés sur les lieux et dont le travail était de fermer des portails et autres entrées de maisons avec des briques et du ciment, monter des murs sur des tracés déjà effectués par des géomètres…C’est la routine depuis quelque temps, avec la prise d’assaut du village par les forces de l’ordre qui usent de violences sur les populations.
« A l’heure où je vous parle, il y a toujours plein de policiers sur le domaine de Gbamakopé. C’est comme si la justice (Le Président de la Cour suprême, cela s’entend) n’avait jamais rien dit (…) Ils sont là, ils ont amené les maçons puisqu’eux-mêmes font leurs clôtures, les maçons sont en train de travailler, eux-mêmes ils sont en train de pavaner. Il y a même deux blindés qui sont arrivés et qui ne venaient pas », a déclaré un habitant de la localité qui est intervenu en direct sur les ondes de Kanal FM au cours de l’émission « Club de la presse » de ce lundi, et de souhaiter que « le Président de la Cour suprême rappelle tout le monde à l’ordre ».
Il nous est revenu, de sources concordantes, qu’exceptionnellement, ces corps habillés n’ont pas procédé à des expulsions d’acquéreurs de leurs maisons et à la fermeture de portails, mais protégeaient (simplement) les maçons qui ont continué leur besogne faisant justement partie du processus d’expulsion forcée et de déguerpissement des populations. Mais pour les riverains habitués aux sévices de ces agents, c’est toujours leur travail de déguerpissement des acquéreurs de leurs maisons qu’ils ont poursuivi.
« C’est toujours de l’intimidation qu’ils sont encore venus faire (…) Ils étaient munis de bâtons, et quand tu prends le risque de passer près d’eux, ils te frappent. Les gens sont obligés de faire des détours pour les éviter. Même s’ils n’ont pas expulsé des gens aujourd’hui, ils ont quand même d’une manière déguisée continué leur sale besogne (…) Quand ils convoient des maçons qui montent des murs, même si ce n’est pas une tâche de géomètre, ils ont déjà érigé des bornes dans les maisons des gens, et donc c’est toujours leur travail d’expulsion qu’ils ont continué », a glosé un autre habitant.
Selon des indiscrétions, dans la soirée, un autre groupe de forces de l’ordre est venu renvoyer (sic) des lieux le premier qui était là le matin. Mais ces agents expulseurs n’étaient pas là qu’hier lundi. Malgré les dénonciations de leur présence consécutivement à cette sortie du Président du Conseil supérieur de la magistrature, il nous a été encore signalé, au moment où nous écrivions ces lignes, le convoiement des forces de l’ordre dans la localité ce matin du mardi 26 octobre.
Il n’est pas superfétatoire de rappeler ces instructions d’Abdoulaye Yaya : « J’engage à cet effet les départements ministériels en charge des auxiliaires de justice, les officiers de police et de gendarmerie judiciaire et autres agents à suspendre jusqu’à nouvel ordre toute assistance requise afférente aux suspensions ci-dessus visées (…) Les responsables des structures étatiques impliquées dans la gestion du foncier sont appelés, chacun en ce qui le concerne, à œuvrer pour la cohésion et le vivre ensemble des populations togolaises »
« Désormais, tout individu ou groupe d’individus surpris en train d’entraver ou constituant entrave aux suspensions ci-dessus seront poursuivis pour vandalisme et destruction volontaire». Si cette nouvelle invasion du village n’est pas une défiance de l’autorité du Président du CSM, cela y ressemble beaucoup, et le commun des Togolais serait curieux de savoir si Abdoulaye Yaya va sévir, au vu de cet avertissement qu’il lançait dans son communiqué.
A en croire un confrère qui intervenait ce lundi sur les ondes de Kanal FM au sujet de cette présence des corps habillés à Gbamakopé, un contact au niveau d’un commissariat qu’il aurait joint lui a fait comprendre qu’ils y considèrent la sortie du Président de la Cour suprême comme un simple communique ou avis qu’il reste à formaliser avec un document à envoyer aux structures administratives et de sécurité requises pour ces genres d’opération avant que ces instructions du Président de la Cour suprême ne soient prises en compte. Raison fondée ou simple prétexte, difficile à dire. Qu’à cela ne tienne, la balle est dans le camp d’Abdoulaye Yaya et les regards des Togolais, particulièrement ceux des populations de Gbamakopé qui ont cru voir en lui un sauveur avec sa sortie, sont tournés en sa direction.