Pour une séance d’explication, c’en était vraiment une. L’atmosphère était chargée, plutôt grave ce jeudi après-midi dans la salle Professeur Ahadji-Nonou de la Présidence de l’Université de Lomé. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Prof Majesté Ihou Wateba et son collègue des Enseignements primaire, secondaire, technique et de l’Artisanat, mais surtout Président de l’Université de Lomé Prof Dodzi Kokoroko étaient face à la communauté universitaire bien représentée pour une « réunion de mise au point et de concertation » sur la situation salariale des enseignants des UPT (Universités publiques du Togo), mieux la polémique sur le versement de la seconde tranche de l’accord du 3 novembre 2011, la revalorisation salariale de 5 % et autres revendications des universitaires.
« Ce jour est un jour malheureux pour moi », lance le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, par rapport à l’exercice qu’il était appelé à faire, tenir un langage de vérité à ses collègues et promettant presque un déballage. Prof Majesté Ihou Wateba menaçait (sic) de rendre désormais publics les salaires des enseignants des universités publiques. « L’heure de la vérité a sonné », « A partir d’aujourd’hui, les salaires des enseignants seront rendus publics (…) Face à ce manque de reconnaissance des enseignants du supérieur vis-à-vis des gros avantages dont ils bénéficient comparativement aux fonctionnaires des autres départements, les voix s’élèvent au gouvernement pour réclamer qu’on publie la vraie situation salariale des enseignants des UPT », « Notre université se sera plus vue comme avant », « Quand vous avez les mêmes diplômes, il vaut mieux que votre collègue administratif ne sache pas combien vous gagnez », voilà un échantillon de ses propos à l’entame de la rencontre.
Le décor était planté plus tôt par le Président de l’Université de Lomé, très amer et direct avec ses collègues qu’il a appelés à « arrêter [leurs] mensonges et comédies universitaires », s’estimant diffamé, vilipendé pour avoir été faussement accusé d’avoir fait main basse sur les fonds leur revenant au crédit de la seconde tranche du reliquat de l’accord de 2011. Dans une petite présentation de la situation, il donna à l’assistance certaines informations qui leur étaient inconnues. Comme sur les 5 % de revalorisation des salaires concédés aux fonctionnaires et réclamés aussi par les universitaires tous statuts confondus. « La méconnaissance et l’appropriation des mauvaises informations font que parfois, on se sent lésé alors qu’on est peut-être dans une situation favorable (…) L’enseignant n’est pas le plus lésé et son niveau salarial peut être enviable par rapport aux autres », dira plus tard le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Le clou de la rencontre aura été la présentation en diapo de l’évolution du salaire de l’enseignant des UPT tous grades confondus (de l’Assistant Délégué au Professeur Titulaire en passant par l’Assistant, le Maître-Assistant et le Maître de Conférence) avant et après la signature du protocole d’accord du 3 novembre 2011 entre le gouvernement et les syndicats de l’enseignement supérieur. De l’exposé de la situation, il est apparu clair que l’universitaire n’est pas le plus miséreux des employés de l’Etat, un euphémisme en fait pour ne pas dire qu’il est plutôt gâté, a des revenus plus de deux, trois fois et plus ceux de son collègue de même diplôme, mais administratif dans la fonction publique.
« A partir de 2011, à la suite du protocole d’accord, les salaires de base, les primes et les indemnités ont connu une revalorisation substantielle. A ce jour l’accord de 2011 est soldé », concède le document présenté, et d’aborder de donner détails sur l’évolution des salaires. « Avant l’accord de 2011, le salaire de base était pour un assistant débutant de 222 076 FCFA, plus les primes et indemnités de 120 000 FCFA, ce qui fait un revenu total de 342 076 FCFA. Après l’accord de 2011 soldé, ce salaire, à ce jour, passe à 534 407 FCFA pour un salaire de base et à 231 000 FCFA pour les primes et indemnités pour un total de 765 407 FCFA, soit une augmentation de 141 % de salaire de base, de 93 % des primes et indemnités, pour un taux global de 124 % », rapporte le document.
Quant au Professeur titulaire, il débutait « avant l’accord de 2011 avec 335 476 FCFA comme salaire de base et 225 000 FCFA comme primes et indemnités pour un revenu total de 560 476 FCFA. Après l’accord de 2011 soldé, son salaire de base, à ce jour, passe à 1 187 816 FCFA pour un salaire de base et à 448 500 FCFA pour primes et indemnités, soit un revenu total de 1 636 316 FCFA. Le salaire lié à ce grade a donc connu une augmentation de 254 % du salaire de base, de 99 % de primes et indemnités pour un taux global de 192 % ».
« Il y a disparité de revenu entre un docteur enseignant UPT et un docteur administratif dans la fonction publique. Les primes seules d’un docteur enseignant (231 000 FCFA, Ndlr) dépassent le salaire de base d’un docteur administratif (204 789 FCFA, Ndlr) », relève par ailleurs la présentation.
Dans les commentaires, il a été démontré qu’un PT (Professeur Titulaire) qui assure une responsabilité à l’Université perçoit l’équivalent du salaire d’un ministre, et s’il est médecin, il touche un montant de 300 à 350 000 FCFA par mois comme prime hospitalière, ce qui augmente son salaire à plus de 2 millions, dépassant de plus de 200 000 F celui d’un ministre togolais. « Les primes de base du docteur enseignant des UPT (Universités publiques du Togo) dépassent le salaire de son collègue administratif », nous apprend le document qui a le mérite d’éclairer plus d’un.
Au terme de cette présentation succincte, la parole a été donnée aux enseignants d’intervenir. Bien plus, le ministre Majesté Ihou Wateba a mis au défi quiconque se sent lésé et n’aura pas remarqué d’évolution ou d’application intégrale de l’accord de 2011 à venir le démontrer séance tenante ou approcher les services idoines pour ce faire. Mais en lieu et place, on a plutôt senti dans la demi-dizaine d’interventions un air de mea-culpa et des appels à la reprise au dialogue.
Après la séance d’explication musclée (sic), la tension est un tantinet retombée à la fin. Une intervention d’un médecin titillant le Président de l’UL en relevant que la colère détruit l’organisme, a pu arracher le sourire à plus d’un, décrispant ainsi une atmosphère lourde durant presque toute la séance. « Je vous demande pardon pour avoir haussé le ton », a fini par lâcher de son côté le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.