Il n’y aura pas de Jean-Pierre Fabre ou un éventuel suppléant issu de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) à l’Assemblée nationale dont les membres ont été élus lors des législatives du 29 avril 2024 et qui a débuté sa mandature le 21 mai dernier avec la session de droit. Ainsi en a décidé le parti et la mesure a été officiellement annoncée à l’opinion ce vendredi, au cours d’une rencontre avec la presse nationale et internationale à son siège.
« …L’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) ne siègera pas à la nouvelle Assemblée nationale », a annoncé le parti dans sa déclaration liminaire présentée à l’occasion par Eric Dupuy, le Secrétaire national en charge de la communication, justifiant cette mesure par « la double imposture de la mascarade électorale du 29 avril 2024 et de la Constitution pirate rendue publique le 06 mai 2024 sous 2 versions différentes dont l’une occulte le chapitre relatif au président de la République », les desseins cachés, les aberrations y contenues, le refus d’y apporter sa caution…
Pour Jean-Pierre Fabre et les siens, l’adoption de la nouvelle Constitution est une manœuvre du parti au pouvoir pour « forger un système politique bâtard qui lui permet de s’attribuer à tous les coups, tous les sièges de l’Assemblée nationale et de faire élire le chef de l’Exécutif tous les six ans, par le parti majoritaire, donc le RPT/UNIR, un système qui offre une voie de contournement de la limitation des mandats et permet à Faure Gnassingbé de demeurer au pouvoir ad vitam aeternam ».
« Les conditions d’adoption, de promulgation et de publication de la nouvelle Constitution bafouent outrageusement la souveraineté du Peuple togolais consacrée par la Constitution de 1992, le Peuple souverain ayant été tenu à l’écart de tout le processus de changement de Constitution », fustige l’ANC qui trouve « totalement incohérent de rejeter sans appel la Constitution frauduleuse de Faure Gnassingbé et de siéger dans le même temps dans la nouvelle Assemblée que le RPT-UNIR tente de faire fonctionner sous l’emprise de cette nouvelle Constitution ».
Le parti est amplement revenu sur les motivations de sa décision, dans un mémorandum y relatif présenté par Francis Pédro Amuzun, chargé des relations avec la presse. « A la lecture de la nouvelle Constitution, il apparaît clairement que tout cet imbroglio (…) n’a en réalité qu’un seul objectif : consacrer le maintien d’un homme à la tête du pays, de l’Etat et de toutes ses institutions, sans passer par l’onction directe du Peuple souverain », relève l’ANC qui souligne n’avoir nullement vocation à « valider l’immoralité et l’indécence politiques ainsi que la culture de l’illégalité tranquille qui gouvernent notre pays depuis un demi-siècle » et énumère les aberrations (sic) de la nouvelle Constitution dont l’adoption ne respecte « aucune règle, notamment celles fondamentales contenues dans la Constitution de 1992 ».
« Dans cette nouvelle Constitution, le Président du Conseil est choisi par son parti et l’Assemblée nationale prend acte de ce choix (…) Les autres membres de l’Assemblée ne participent pas à ce choix. De surcroît, aucune institution politique de la République n’intervient pour sa nomination. La vacance de la Présidence du Conseil entraîne ipso facto la caducité de l’Assemblée nationale. Au nom de quoi et pourquoi ? Le Président du Conseil peut dissoudre l’Assemblée nationale et donc renvoyer également les députés élus sur les listes du parti qui l’a désigné. Lui qui n’a été l’objet d’aucune élection, dispose ainsi du pouvoir de renvoyer ceux qui ont été élus. L’on ne trouve nulle part dans la Constitution une déclaration de politique générale qui constituerait un contrat politique entre le Législatif et l’Exécutif, base du contrôle de l’action gouvernementale par l’Assemblée nationale, et éventuellement d’une motion de censure. Cependant, le Président du Conseil peut engager la responsabilité de son gouvernement sur un programme qu’il n’a pas annoncé d’avance .Le refus de la confiance entraine automatiquement la dissolution de l’Assemblée nationale », y lit-on.
« L’ANC ne manifestera aucune présence dans la gestion de ce désordre politique institutionnel », fait savoir le parti, décrivant cette décision comme cohérente avec la position du parti sur changement de Constitution. « Il est opportun, inapproprié et mal fondé qu’elle siège dans une Assemblée constituée dans de telles conditions », dit la formation politique, convaincu que « les candidats proclamés élus ont été tout simplement et arbitrairement désignés, en marge d’un décompte effectif et sincère des voix ». Et d’inviter les populations, mais surtout la classe politique de l’opposition à « lire attentivement l’intégralité de ce document tenant lieu de Constitution » pour « comprendre [ses] préoccupations».
L’annonce de cette décision somme toute cocasse, loin c’en faut, a suscité une « salve de questions » de la presse, relais naturel des opinions, des questions allant de la légitimité de la mesure aux conséquences politiques en passant par les jugements de l’opinion. Mais Jean-Pierre Fabre et les premiers responsables du parti dont la 1re Vice-présidente Me Isabelle Ameganvi assurent assumer leur position et se donnent même la mission de la défendre et en persuader l’opinion….