Home Droits de l'Homme L’histoire rocambolesque digne d’un Ibo film autour de la maison de feu Colonel Tépé

L’histoire rocambolesque digne d’un Ibo film autour de la maison de feu Colonel Tépé

by Le Tabloid

Une maison d’un officier supérieur des Forces armées togolaises (FAT), et pas n’importe lequel, Colonel Afenyo Koffi Tépé, tué le 25 mars 1993au cours de l’attaque du camp RIT (Régiment interarmes du Togo), sise en pleine ville et près d’un camp militaire, usurpée depuis une trentaine d’années par un quidam qui se ferait appeler Tonton Tepe et se serait même sucré depuis lors avec les loyers perçus auprès des locataires ! C’est ce qui se serait passé, en tout cas à se fier à la version servie par le Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale (HCRRUN).

L’institution en charge du processus de réparation des violences à caractère politique au Togo de 1958 à 2005  et de réconciliation est, certes, parvenue à récupérer l’immeuble et le restituer aux ayants-droit du défunt, au cours d’une cérémonie solennelle le jeudi 29 août dernier où les clefs ont été remises sur le seuil de la maison à sa fille ainée Mme Amélie Akouvi Tepe épouse Gbikpi et à la seconde veuve du défunt, l’histoire de son usurpation interpelle par son caractère cocasse qu’il est légitime d’y revenir.

Remise des clefs à Mme Amélie Akouvi Tepe par Mme Awa Nana-Daboya

« (…) Cette cérémonie est d’autant plus déterminante qu’elle consacre la fin et la résolution d’un problème aux contours très controversés à savoir : le hold-up et l’occupation sans titre de la maison de Feu Colonel Koffi Afenyo Tepe, ancien officier supérieur des Forces armées togolaises (FAT), située dans le quartier Tokoin-Soted, par des gens sans scrupule », a ébauché la Présidente du HCRRUN, Mme Awa Nana-Daboya au cours de la cérémonie de restitution jeudi dernier au siège, avouant un problème « complexe » ayant amplifié les douleurs au sein de la famille déjà éprouvée par les conséquences des violences politiques.

Le pot-aux-roses ne serait même pas découvert jusqu’à ce jour si les enfants de feu Colonel Tepe n’avaient pas eu le réflexe de saisir, en date du 26 janvier 2023, le HCRRUN pour lui signaler leur non-indemnisation suite au décès de leur père, étant tous partis en exil, et surtout l’informer que sa maison sise à Lomé au quartier Tokoin-Soted en face de l’école privée laïque Montesquieu « est occupée par des individus non identifiés ». « Ne vivant pas au pays et craignant ces individus », ils sont souhaité saisir Mme Awa Nana-Daboya et son institution et les prier de « bien vouloir [leur] récupérer ladite maison ». Bien leur en a pris.

L’Huissier de Justice enlevant les scellés

L’équation pour le HCRRUN était de déterminer si l’immeuble était entre les mains de l’Etat ou de tiers. Les premières investigations ont abouti à une multitude de thèses à la fois « controversées et contradictoires », avoue la Présidente. Selon le récit servi, certains ont fait croire que la maison était accaparée par l’Etat qui y logerait des fonctionnaires de différents départements ministériels. D’autres voix ont subodoré que l’immeuble était mis en location par certains enfants Tepe qui l’aurait confisqué (sic) après le décès de leur papa et justifieraient cet acte par une prétendue mésentente autour du partage de l’héritage. Une troisième version fait état de ce que la maison était habitée par des éléments des FAT connus du haut commandement. Et à en croire Mme Awa Nana-Daboya, « c’est cette dernière thèse qui a été le plus distillée et répandue à dessein au sein de la famille Tepe pour faire peur et taire les ayants-droit ».

Après avoir recouru aux leviers d’investigation que lui confèrent ses attributions, le HCRRUN s’est rendu compte que « toutes les thèses véhiculées participaient d’une stratégie de diversion de l’opinion publique », que « des membres de la famille Tepe croyaient vraiment que le domicile de leur papa était occupé par les éléments des Forces de défense et de sécurité » et qu’en réalité, les FDS et les ministères « soupçonnés de collusion avec les occupants ignoraient que cette maison était l’objet d’une occupation délictueuse et donc frauduleuse ». « Après le décès du Colonel Koffi Afenyo Tepe en mars 1993, des individus sans scrupule, profitant du climat de confusion, de méfiance et de d’impunité, ont utilisé des stratagèmes pour occuper ou faire occuper en toute illégalité et tirer gain et profit de sa maison que réclament aujourd’hui ses enfants », ainsi a résumé Mme Awa Nana-Daboya.

Visite à l’intérieur de la maison

Face à la complexité de l’affaire, le HCRRUN a dû solliciter un Huissier de Justice, Me André Sama Botcho, pour la manifestation de toute la vérité. « Ma tâche n’a pas été du tout facile sur le terrain. Au prime abord, quand il était question de prendre la température sur l’immeuble, j’ai eu plusieurs versions. Pour certains, ce sont les Forces armées togolaises qui l’occupent. Pour d’autres, ce sont les représentants du personnel de divers ministères qui y sont logés au titre de l’Etat togolais. Pour d’autres encore, c’est un certain fictif fils ainé (appelé) Tonton Tepe qui serait à la base de la présence humaine dans cet immeuble et donc se sucrait avec les loyers », a indiqué Me Botcho, corroborant ainsi les versions du HCRRUN et même y apportant des éléments nouveaux.

Après ses démarches, l’officier ministériel a dressé un constat d’occupation illégale en date du 3 février 2024 montrant « clairement que cet immeuble est occupé de façon anarchique par des personnes identifiées » et sommé les occupants illégaux de répondre aux questions suivantes : « 1- Pouvez-vous nous dire en quelle qualité vous occupez cette maison ? 2- Si vous êtes propriétaire, prière nous montrer vos titres de propriété. 3- Si vous êtes locataire, à qui payez-vous les loyers et combien payez-vous par moi ? ». A l’en croire, « tous les occupants ont répondu être dans la maison à titre de locataires et qu’ils payaient le loyer entre les mains d’un soi-disant fils ainé de feu Colonel Tepe, en l’occurrence Tonton Tepe » qui, auraient-ils dit, ne se serait plus présenté depuis des années pour collecter les loyers. Ce fameux Tonton Tepe, l’Huissier de Justice avoue ne l’avoir jamais vu jusqu’à la conclusion de la procédure

Ils étaient au total huit (8) occupants illégaux à être identifiés. Un délai irrévocable d’un mois leur a été donné pour vider les lieux tant de corps que de biens, ce qu’ils ont fait. Leur départ définitif de l’immeuble a été sanctionné par un procès-verbal de constat en date du 19 juillet 2024 et des scellés apposés aux entrées principales le 22 juillet 2024 afin d’éviter de nouvelles intrusions. C’est ainsi que la maison a été récupérée et restituée le jeudi 29 août dernier aux ayants-droit. C’est peut-être l’essentiel. Mais le mystère demeure entier.

Comment un individu ordinaire peut-il avoir le cran d’usurper la maison d’un haut galonné de l’armée, décédé dans les circonstances aussi troubles, donc dans une affaire aussi sensible, donner en location des chambres à des gens et se sucrer aussi aisément avec les loyers durant autant d’années sans s’inquiéter ? Le récit nous dit aussi qu’il s’est volatilisé dans la nature, sans laisser de trace. Dieu sait si cet immeuble aurait même pu être récupéré s’il ne s’agissait pas d’une institution comme le HCRRUN, qui a certainement usé des moyens d’Etat, de la force publique…Cette histoire est, en somme, digne d’une téléréalité où la fiction est maître ou d’un vrai Ibo film singularisé par des bizarreries, où les intrigues dépassent parfois tout entendement, l’invraisemblable côtoie le réel et/ou le devient…  

Related Posts

Leave a Comment

Are you sure want to unlock this post?
Unlock left : 0
Are you sure want to cancel subscription?
-
00:00
00:00
Update Required Flash plugin
-
00:00
00:00