Il existe des métiers dits d’homme, mais des femmes s’y fraient de plus en plus du chemin. C’est le cas de Ekpeh Amivi Wolanya, Mireille ou Mimi pour les intimes, qui s’est fait un nom, loin des regards, dans le métier de staffeur. A la découverte de cette étoile dans une constellation masculine. Une façon pour le journal en ligne Le Tabloïd de rendre hommage à la femme, à l’occasion de leur journée ce mercredi 8 mars 2023.
« J’avais à choisir entre la couture et le commerce, vu que je ne voulais plus continuer les études faute de moyens (…) C’était sur un chantier voisin à notre demeure que j’avais vu faire pour la toute première fois et à l’instant même, j’étais convaincue que c’est ce que je voulais faire. J’en avais parlé à ma mère et sans hésitation, elle m’avait répondu ok, dis-moi ce dont tu as besoin et si j’ai les moyens, tu les auras ».
Comme la plupart des jeunes filles, Ekpeh Amivi Wolanya a failli faire la série C – entendu couture, coiffure, commerce…Mais elle s’est démarquée de la masse, à cause de sa nature même. Ses confidences sont assez parlantes. « J’avais déjà pour habitude de ne pas me fondre dans la masse, donc mes proches ont plus cru en moi que je ne pouvais le faire moi-même. Chacun m’avait apporté son aide et chose voulue, chose accomplie », nous confie-t-elle, avec fierté et un brin d’émotion.
Mimi est aujourd’hui une staffeuse professionnelle et accomplie. Avec son entreprise Luxe Décor, elle a réussi à se faire un nom et une image dans le métier. Faisant parler son génie et ses compétences, elle est beaucoup sollicitée et a ainsi offert ses services à des clients de taille et autres structures d’architecture dont Archinova, Bâtir… et ses prestations sont très recherchées. Mireille fait également les plafonds démontables et a presté pour Orabank CHU Campus, Banque Atlantique Adidoadin, entre autres. En plus d’exercer le métier de staffeuse, elle est également formatrice en plâtrerie à l’IFAD Bâtiment d’Adidogomé. Elle tient son succès aussi de ses qualités personnelles. « Tout ce que je décide de faire, je le fais bien, je n’aime pas la médiocrité », dit la staffeuse, qui avoue avoir un goût naturel pour l’art.
Mais son parcours n’a pas été une sinécure. « Ça n’a pas été facile, mes débuts ; mais j’y suis arrivée». C’est généralement le cas de beaucoup de personnes. Mais lorsqu’on est femme et qu’on veut évoluer dans un métier masculin et presque macho, cela l’est davantage. Durant ses trois années d’apprentissage (2006-2009), Mimi était seule femme parmi dix-neuf (19) apprenants et devrait faire comme eux. En tout cas, aucun traitement de faveur ne lui était fait. « Des fois, tu dors sur des chantiers (…) Il faut juste se faire un petit lit et on se couche », se souvient-elle. Et de conseiller à ses concitoyennes qui auraient envie de suivre ses pas : « Il faut avoir un mental dur ».
Ekpeh Amivi Wolanya devrait aussi affronter les écueils sexistes…Même dans sa vie professionnelle, elle n’est pas épargnée. A côté des avances et propositions indécentes des hommes, elle est aussi parfois victime de clichés liés au genre. « Je me rappelle encore comme si c’était hier, une femme m’avait refusé leur chantier parce que son mari serait un attrape-tout et surtout que je présentais des critères auxquels il adhère très facilement », révèle-t-elle.
Malgré tout, Mimi est très fière de son parcours et l’avoue : « Au départ j’ai été critiquée, sous-estimée ; mais avec la détermination que j’avais, les bonnes personnes ont fini par croiser mon chemin et j’ai eu la chance de me lancer. Ainsi je me suis fait une place dans ce milieu très sélectif…Aujourd’hui avec modestie, je dirais que je fais partie des meilleurs au Togo et mon expérience hors du pays a été une réussite. Ma place est bien méritée et j’en suis plus que fière. Les femmes ont su démontrer leurs capacités à bien faire les choses aussi bien que les hommes de nos jours ».
Connu du commun des gens sous le nom de « faux plafond », le métier de staffeur semble réducteur sous le prisme de ce vocable. Et pourtant son importance dans le secteur du bâtiment est majeure. « Le staffeur intervient au moment de la finition. Il a pour rôle d’embellir, de décorer, de corriger certaines imperfections et donner cet aspect chic, bien esthétique, et pour finir, créer un avant-goût du luxe que l’on aimerait avoir chez soi…Le faux plafond joue aussi un rôle acoustique en isolant les bruits aériens », exalte Mimi.
Et le métier nourrit son homme (ou sa femme). « Surtout si le staffeur a la chance d’avoir des clients qui reconnaissent son importance et son savoir-faire. C’est un métier très intéressant si vous avez un bon carnet d’adresse, rien à envier à un fonctionnaire ou bureaucrate de la classe moyenne. Construire sans faire appel au staffeur aujourd’hui est comme ne pas vraiment assurer la finition», tranche Mireille. Et d’ajouter : « Dans le temps, c’était bien plus une question de moyens et c’était peu connu du monde. Aujourd’hui c’est plus facile de faire appel à un staffeur et d’avoir satisfaction…».
Ekpeh Amivi Wolanya avoue conseiller volontiers le métier aux jeunes filles, tout en plaidant pour un changement de regard à l’égard de la gent féminine…