« Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO : où en est-on ? ». C’est sur cette thématique de haute importance qu’ont effectivement démarré, ce vendredi 9 juillet, les travaux du sommet citoyen proprement dit sur la bonne gouvernance, l’alternance et la démocratie dans l’espace CEDEAO. Une rencontre ayant visiblement reçu la bénédiction des autorités béninoises, lancées ce jour par le Directeur de cabinet du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la Législation du Bénin, Michel Adjaka.
Un panel portant sur « Le syndrome du troisième mandat en Afrique : Les nouvelles formes de coups d’Etat » qui s’est voulu bimodal a servi d’apéritif. Animé par Me Mohamed Traoré, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de la Guinée, qui s’est épanché en présentiel sur le cas malheureux de la Guinée, Mme Ulrike Rodgers du National democratic institute (NDI) qui a presté à titre personnel, Mme Eliane Nyobe, représentante de l’ONG de promotion et de défense de la liberté d’expression au Sénégal « Article 19 » et Mme Aissata Guindo Traoré, juriste de formation, qui sont intervenues à distance via l’application Zoom, ce panel a porté les projecteurs sur la problématique avec le cas phare de la Guinée d’Alpha Condé, la liberté d’expression, mené les réflexions sur comment rendre les constitutions plus fortes que les hommes forts.
Un second portant sur le thème « Gouvernance : L’armée a-t-elle un rôle à jouer ? » a été animé par Alioune Tine, ancien Directeur régional Afrique de l’ouest d’Amnesty International et expert indépendant sur les droits de l’Homme et Claude Biao, écrivain et consultant spécialiste des conflits et du terrorisme en Afrique qui ont rappelé le rôle fondamental de l’armée à savoir, la défense de l’intégrité du territoire et la protection des populations. On ne saurait dissocier l’armée de la politique, mais il urge de définir le cadre de son intervention, la recadrer en fait, parlant de chantage sécuritaire, a indiqué ce dernier. « Nous ne pouvons pas régler la pathologie de la démocratie par d’autres pathologies », a relevé de son côté le droitdelhommiste Alioune Tine, au sujet de la validation des pouvoirs militaires par les populations au Mali suite à un sondage.
Un troisième panel a été animé sur « Les missions d’observation de la CEDEAO : Quelle efficacité » par Maïkoul Zodi, le Coordinateur de Tournons La Page-Niger, via zoom par Mohamed Madi Diabakate, politologue togolais et ancien Président du Centre pour la gouvernance démocratique et la prévention des crises (CGDPC) et modéré par Marc Ona Essangui, le Président de Tournons La Page international. Ces missions qui se concluent par la même phrase, à savoir que les quelques manquements constatés ne sauraient remettre en cause la légitimité des scrutins, servent en fait à avaliser les simulacres d’élections et ne sont que du business pour les observateurs ont été dénoncées autant par les panélistes que les participants. Ces trois (03) panels ont donné lieu à des débats assez animés où des alternatives ont été proposées aux différentes problématiques.
« La démocratie ne saurait être un luxe pour l’Afrique (…) C’est du Bénin que sont parties les conférences nationales, c’est aussi du Bénin que doit partir le refus du 3e mandat », « Le sommet de Cotonou marque le point de départ d’une campagne panafricaine sur la limitation du nombre de mandat présidentiel »…Ces propos de Marc Ona Essangui et du Coordinateur des Universités sociales du Togo (UST) et du sommet citoyen, Prof David Dosseh résument les nobles intentions des organisateurs de cette rencontre importante de Cotonou : faire de la capitale économique du Bénin le point de départ d’une vaste campagne panafricaine sur la problématique de la limitation du mandat présidentiel, et de facto le refus du 3e mandat sur le continent. Dans cette dynamique, les dispositions de la Constitution béninoise sur la limitation du mandat présidentiel et qui statuent sur l’impossibilité de briguer plus de deux mandats de toute sa vie pour un Président de la République ont été vantées pour servir d’exemplarité, du moins dans les intentions.
Ce combat trouve toute sa légitimité et sa noblesse dans cette alerte de Me Adama Traoré : « Il y a des velléités du 3e mandat au Sénégal ». Le Coordinateur du sommet donne des détails : « Nous n’allons pas nous arrêter à ce sommet. Au soir du 10 juillet, il y aura une stratégie de plaidoyer qui va nous conduire dans d’autres capitales et nous espérons obtenir le soutien effectif de chefs d’État en exercice pour la question de la limitation du nombre de mandat présidentiel. Certains se sont déjà exprimés là-dessus, nous espérons qu’il y aura des prises de positions claires de la part de pays comme le Bénin, la Guinée Bissau ou d’autres pays », a indiqué Prof David Dosseh, dans un entretien. « Si nous déployons des stratégies de plaidoyers et que des chefs d’État deviennent nos alliés objectifs, nous sommes convaincus que nous arriverons cette fois-ci, au-delà du simple bavardage, à impacter les prises de décisions aussi importantes que la question de la limitation du nombre de mandat présidentiel au niveau de l’institution », croit-il fermement.
Selon les indiscrétions, des présidents seront sollicités en vue de déclarer publiquement leur volonté de ne pas briguer de 3e mandat. Toute chose qui aura l’effet de booster la campagne envisagée par la société civile sur la nécessité de l’alternance dans l’espace ouest-africain. « A l’aune de la vision 2050 de la CEDEAO, nous voulons crier haut et fort que le temps de la renaissance des peuples d’Afrique est venu (…) Que la CEDEAO des peuples soit une réalité pour le bonheur des peuples », en a vivement appelé de ses vœux le Prof David Dosseh.
Cette première journée du sommet citoyen ouest-africain sur la bonne gouvernance, l’alternance et la démocratie a été clôturée par une remise de prix par Africans Rising, par le biais de Prince Akpah, à la Coalition Tournons La Page internationale, et c’est son Président Marc Ona Essangui qui l’a réceptionné. Et comme pour rehausser l’éclat et l’importance de ce sommet, il est annoncé, pour la deuxième et dernière journée de demain samedi, la présence effective du Président béninois Patrice Talon aux travaux. Sera-t-il le premier chef d’État de l’espace ouest-africain à s’engager publiquement, dans le cadre de cette initiative de la société civile pour le respect du verrou constitutionnel de la limitation du mandat présidentiel, donc le refus d’un troisième mandat, et ainsi servir d’exemple ? Les organisateurs le souhaitent en tout cas vivement. Demain n’est pas loin, wait and see.